Michel Arouimi, « La Chine qui nous devançait », Paris, Hermann, 2019, 326 p.

Le statisme culturel de la Chine, depuis l’aube de son histoire, résulterait moins du poids de sa tradition que de la précocité, chez les plus anciens représentants de la pensée chinoise, d’une réflexion – si aiguë qu’elle n’avait plus besoin de progresser – sur les causes de la violence humaine. Cette réflexion filée dans les œuvres littéraires chinoises de diverses époques est sans effet sur le credo métaphysique qui les porte. Ce phénomène est une leçon que mérite aujourd’hui la culture occidentale, en proie à la désacralisation.

Łukasiewicz Jan, Dorota Sikora (trad.), « Du principe de contradiction chez Aristote (O zasadzie sprzeczności u Arystotelesa [1910]) », Paris, Édition de l’Éclat, 2019, 2e édition entièrement revue et corrigée, 236 p.

Les principes énoncés par Aristote, il y a de cela près de vingt-quatre siècles, déterminent encore la plupart de nos modes de penser et d’agir. Le principe de contradiction a un statut particulier, puisqu’il fit perdre patience à Aristote devant ses détracteurs, au point qu’il déclara : « Ils cherchent la preuve de ce qui n’a pas de preuve. » Et notre logique occidentale s’est contentée de ce mouvement d’humeur pour admettre avec lui que « si une chose est, il n’est pas possible qu’elle ne soit pas tout à la fois ». Ceci aux différents plans logique, ontologique et psychologique – ce qui, à y regarder de près, n’est pas sans d’énormes conséquences. En 1910, le philosophe polonais Jan Lukasiewicz (1878-1957), publie un petit opuscule dont les implications n’ont pas encore été toutes mesurées. Le principe de contradiction défendu par Aristote n’est pas un principe logique, mais essentiellement un principe éthique, sans lequel il nous serait impossible de vivre les uns avec les autres. Le Stagirite était – avant tout – un animal politique.

Bruno Béthouart (dir.), « Histoire d’Aire-sur-la-Lys », Aire-sur-la-Lys, Ateliersgaleriéditions, 2019, 496 p.

Aire qui s’appelle officiellement Aire-sur-la-Lys depuis 1982 dispose d’un passé aussi glorieux que tourmenté ; elle compte en son sein des personnalités politiques, religieuses, militaires, des artistes, des chercheurs, des entrepreneurs mais aussi des figures du quotidien à découvrir au fil des siècles. L’originalité de cet ouvrage, c’est une première en la matière, est de présenter l’histoire de la ville sur tout l’arc chronologique : des origines à nos jours. La trajectoire de cette cité originale disposant d’un cœur de ville jadis protégé par des remparts et de 15 hameaux sur 3 300 ha mérite incontestablement d’être dévoilée dans toutes ses dimensions. Une équipe de 19 chercheurs tant archéologues qu’universitaires et passionnés d’histoire a relevé le défi. L’ouvrage est abondamment illustré ; il se veut aussi scientifique et rigoureux dans son approche qu’accessible à un public attaché au patrimoine d’une ville notamment riche de 23 monuments historiques. Vous y découvrirez le double mouvement entre le centre et la périphérie au fil des siècles. Vous mesurerez les flux et reflux tant sur le plan politique qu’économique, social, religieux et culturel qui lui donnent une dimension régionale, nationale et internationale.

 

Émilie Perrichon, « L’enseignement du français aux Anglais à Boulogne-sur-Mer, Histoire des établissements d’éducation et état des lieux des méthodes pédagogiques. 1790-1910 », Aachen, Shaker Verlag, 2019, 280 p.

Boulogne-sur-Mer était réputée au 19e siècle pour ses établissements éducatifs, ses enseignants et professeurs privés. De nombreux guides font référence à cette réputation qui dépasse les frontières, et beaucoup d’Anglais sont envoyés à Boulogne pour leurs études, soit dans des établissements scolaires comme le collège communal ou les écoles libres, mais également dans les pensionnats. La ville attire de nombreuses familles an- glaises par cet enseignement de qualité à moindre prix. Aussi, bénéficiant d’une mixité culturelle et linguistique extraordinaire, cette situation exceptionnelle a permis le déve- loppement de méthodes pédagogiques très innovantes pour l’apprentissage des langues.

 

Laurent Warlouzet, Youri Carbonnier, Stéphane Curveiller (éd.), « Mobilités et déplacements des femmes dans le Nord de la France du Moyen Âge à nos jours », Arras, Artois Presses Université, 2019, 180 p.

La position particulière de Calais, interface naturelle entre le continent et la Grande-Bretagne depuis les temps les plus reculés, en fait un lieu d’observation privilégié des circulations dans le nord de la France, et plus précisément des déplacements des hommes. Longtemps pris dans un sens restrictif, ce dernier terme a occulté la présence féminine. Pourtant, les femmes sont bien présentes, pas uniquement épouses fidèles de maris voyageurs : pèlerines, filles à marier ou femmes de mauvaise vie, colporteuses ou messagères, activistes ou réfugiées, elles traversent la région de part en part depuis le Moyen Âge. Artistes, femmes du monde (ou du demi-monde), commerçantes, aventurières n’hésitent pas à franchir le détroit, sans parler des sportives qui relèvent ce défi à la nage ! Ce territoire géographiquement limité s’avère ainsi d’une grande richesse et participe, par petites touches ou par des études plus étendues, à bâtir une meilleure vision des déplacements des femmes. Il apporte ainsi sa pierre à l’édifice de l’histoire des femmes comme à celui de l’histoire des circulations et contribue à sa mesure à établir le pont entre les deux.


Bruno Béthouart, Michel Fourcade & Pierre-Yves Kirschleger (dir.), Faire de l’histoire religieuse (Actes de la XXVIIe université d’été du Carrefour d’histoire religieuse, Montpellier – Vignogoul, 13-16 Juillet 2018), Les Cahiers du Littoral 2-18, Dunkerque, 2019, 260 p.

La 27e université d’été du Carrefour d’histoire religieuse a été consacrée à une question fondamentale sur laquelle il nous a semblé intéressant d’apporter notre contribution : « Faire de l’histoire religieuse ». Le sous-titre « Bilan et perspectives : 1960-2018 » de cette session organisée à l’Institut protestant de Théologie de Montpellier et dans le pittoresque cadre de l’abbaye de Vignogoul souligne les termes chronologiques de cette approche. L’histoire religieuse depuis les années 1960 est profondément marquée par deux événements qui affectent la société occidentale, particulièrement le France, et donc sa composante religieuse : les retombées, les lectures selon la formule de Benoît XVI, du concile Vatican II, considéré comme une rupture pour certains, comme une continuité ou un approfondissement dans le cadre d’une évolution pour d’autres ; le tremblement de civilisation que représentent dans le monde « les événements de mai 68 ». Dans un tel contexte, faut-il parler de rupture, de tournant, de renouvellement dans le comportement religieux mais aussi dans son approche par les chercheurs ?

Julie Michot, Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock : sortir du cadre, Dijon, EUD, 2019, 111 pp.

En 1954, Hitchcock jouit d’une popularité croissante, bien que la critique peine encore à le prendre au sérieux. Fenêtre sur cour est tourné en un lieu unique et le réalisateur confirme son inventivité en matière de montage ou d’utilisation de la musique. L’intrigue a une dimension subversive, le spectateur se trouvant dans la position du héros-voyeur ; en finissant par assouvir leurs désirs macabres, Hitchcock joue avec leurs sentiments. Il contourne aussi la censure, l’épilogue n’étant qu’une façade, au même titre que les murs en briques du décor. Comme la caméra qui dépasse le cadre strict de la fenêtre de l’appartement de Jeff dès l’ouverture, cet essai étudie ce classique à la lumière des autres réalisations du cinéaste et montre combien il peut être envisagé comme une synthèse de toute son œuvre.

Patrick Villiers, Les Saint-Philippe et les vaisseaux de 1er rang de Louis XIII à Louis XIV, Nice, ANCRE, 2019, 184 p.

Ils s’appelaient Sovereign of the Seas, Couronne, Vasa, Soleil Royal, Breverode, Seven Provinciën, Royal Prince, Fier, Saint-Philippe ou Pompeux, etc… Appelés vaisseaux hors rang, ou vaisseau de 1er rang ou de 2e rang selon les périodes, armés de 70 à 110 canons, ils étaient destinés à commander les escadres ou les flottes…

S’appuyant sur une iconographie souvent inédite venant des plus grands musées d’Europe et sur des archives originales, Patrick Villiers, professeur émérite des universités en histoire maritime, 5 fois lauréats de l’Académie de Marine, nous propose une relecture des affrontements maritimes entre la France, la Grande Bretagne, les Pays-Bas et l’Espagne des années 1630 aux traités d’Utrecht, commentant aussi bien l’architecture navale que les rôles d’équipage, les batailles navales comme la fonte des canons de fer de 24 puis de 36, à travers le prisme de ces merveilleux vaisseaux amiraux.

Li Ma, La Chine et la Grande Guerre, CNRS Éditions, 2019, 360 p.

À l’été 1914, l’Europe s’embrase, et la Chine se pare d’une neutralité de façade. Alors que la dynastie Qing vient d’être écartée, en 1912, la jeune République sait l’importance de son vivier humain et les contreparties politiques qu’elle peut en tirer. Avec l’espoir de compter parmi les vainqueurs, l’ancien Empire s’engage aux côtés des Alliés et envoie des centaines de milliers de travailleurs chinois en France et en Russie à partir de 1915 pour accomplir, derrière les lignes, les tâches les plus pénibles.

En confrontant pour la première fois des sources et des témoignages chinois, français, anglais et japonais, Li Ma ne se contente pas de raconter l’odyssée mondiale de ces ouvriers. Elle dresse le portrait de la Chine de 14-18, et éclaire dans le détail ses relations avec les belligérants. Elle analyse les conséquences intérieures du conflit jusqu’au traité de Versailles à l’origine du Mouvement du 4 mai 1919 considéré depuis comme l’acte de naissance de la modernité chinoise.

Jean-Louis Podvin & Éric Roulet (éd.), Des forts et des ports. Hommages à Joëlle Napoli, Aachen, Shaker Verlag, 2019, 351 p.

Joëlle Napoli a été une figure incontournable du département d’histoire de l’ULCO où elle a effectué toute sa carrière universitaire comme maître de conférences puis professeur d’histoire ancienne. Spécialiste des fortifications, elle a consacré à cette thématique sa thèse de doctorat et son HDR. À l’ULCO, elle a orienté ses recherches sur les espaces maritimes et littoraux. Ce sont ces deux thématiques qui sont suivies, de l’Antiquité à l’époque contemporaine, dans ce livre d’hommages que lui dédient 19 collègues, amis et anciens doctorants.

Christian Borde, Éric Roulet (éd.), Les caractères spécifiques de l’entreprise maritime dans le monde occidental du Moyen Âge à nos jours, Aachen, Shaker Verlag, 2019, 274 p.

La notion d’entreprise telle qu’elle est pensée au XVIIe siècle recouvre tout le champ de l’action, en particulier dans les domaines guerrier, militaire ou naval. Il y a ainsi des entreprises maritimes. Elles sont pensées et menées comme différentes des entreprises terrestres puisqu’il existe, dès l’origine, des contraintes et un ensemble de règles et de pratiques différentes à terre et en mer.

L’entreprise maritime a bien une spécificité dans le monde occidental du Moyen Âge à nos jours, qui est marquée par son rapport au risque, à l’État et au monde.

Benoît Santini (dir.), Fronteras, límites, intercambios en la obra de Raúl Zurita: un viaje por los meandros de la creación poética, Toulouse, Presses Universitaires du Midi, coll. “Hespérides”, décembre 2019, 348 p.

Cet ouvrage collectif contient vingt articles de spécialistes de l’œuvre de Zurita. Ils se répartissent au fil de six chapitres : “Neruda-Zurita: fronteras poéticas”, “Diálogos artísticos”, “Espacios y paisajes”, “En las fronteras del lenguaje y del discurso poético”, “Del antetexto al intertexto”, “La creación zuritiana frente a la Historia”. Assorti d’une introduction, d’une conclusion-bilan et d’une bibliographie, ce volume démontre la volonté de rupture des frontières entreprise par Raúl Zurita